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Position juridique de la LSDH sur l’initiative de l’UDC «Renvoi des criminels étrangers»

par | 28 avril 2009 | Rapports

 

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Dans le cadre de la présente position juridique nous nous basons sur la Constitution suisse de 1999 et sur les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après «CEDH»), à laquelle la Suisse est Partie depuis le 28 novembre 1974, telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après la «Cour EDH»). En effet, la juridiction européenne a eu l’occasion à maintes reprises de poser des critères devant être pris en considération dans le cadre des sanctions imposées par les autorités nationales, et donc en ce qui concerne l’expulsion des étrangers.

L’initiative udéciste et le contre-projet, qui prônent le renvoi de tous délinquants (1) soulève de nombreux problèmes. Parmi ceux-ci nous analyserons ceux relatifs au droit constitutionnel suisse et au droit international (B), ceux relatifs à l’insécurité juridique (C) et ceux relatifs aux droits de l’enfant (D). Enfin, nous relèverons des arguments moins juridiques qui nous semblent ne pouvoir être laissés de côté lorsque nous analysons de telles propositions (E). Mais avant tout, nous devons présenter les termes de l’initiative et du contre-projet et le contexte juridique dans lequel ils interviennent (A).

Relativement au contre-projet, nous analyserons les seules modifications faites aux articles 62 et 63 Letr, qui vise la révocation des autorisations et l’expulsion des personnes étrangères «en cas d’infractions pénales graves». Pour les autres modifications nous renvoyons le lecteur à la «Consultation sur les modifications (révisions partielles) de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers – Large coalition contre des durcissements inacceptables – 26 mars 2009», dont la LSDH est signataire en tant que membre de la Coordination contre l’exclusion – StopEx.

Les propositions sises dans l’initiative de l’UDC et dans le contre-projet violent en premier lieu le principe de droit fondamental de proportionnalité de la peine. En effet, en rendant automatique l’expulsion d’une personne condamnée pénalement pour ce qui est de l’initiative ou à au moins deux ans d’emprisonnement (celui-ci pouvant l’être avec sursis) selon le contre-projet, les dispositions proposées ne prennent pas en considération la gravité de l’infraction commise. De surcroît, elles ne prennent pas en compte les antécédents de la personne condamnée, ni les circonstances entourant l’infraction ou liées à son auteur. En effet, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH) impose aux Etats membres de prendre en considération plusieurs facteurs avant de prononcer une expulsion : lien avec le pays d’origine, lien familiaux dans le pays d’accueil, la personnalité de l’auteur de l’infraction, son âge, etc. Ainsi, en automatisant l’expulsion, les dispositions proposées vont à l’encontre de la jurisprudence de la CourEDH et viole le principe d’individualisation de la peine, ainsi que potentiellement le droit à la vie privée et familiale et/ou les droits de l’enfant. Par le même fait, les propositions créent une situation pouvant mener à une violation du principe de non-refoulement.

Par ailleurs, les propositions crée une insécurité juridique en remettant en place une disposition que le nouveau code pénal suisse entré en vigueur le 1er janvier 2007, avait abolie: la double peine. La double peine proposée par l’initiative et le contre-projet revêt un caractère fondamentalement discriminatoire. En effet, l’initiative prône un traitement différencié entre des individus, selon leur nationalité, qui se trouvent dans une situation similaire. Le principe de non discrimination est notamment consacré dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Enfin, l’initiative udéciste, dont la logique est reprise dans le contre-projet, pose comme fondement de fausses affirmations, arguant que la population étrangère est surreprésentée dans la population carcérale et concluant de façon simpliste que les étrangers sont par nature délinquants. Une telle position est symptomatique du «populisme pénal» qui accompagne les propositions faites.

C’est pourquoi la LSDH rejette l’initiative et le contre-projet, demande avec force à ce que tous les partis appellent à refuser ces textes et appelle la population à les rejeter.

(1) Nous employons ici le terme délinquant car à la lecture de l’initiative ce sont bien les personnes qui auraient commis des délits (et a fortiori des crimes) qui sont visés, et pas seulement les «criminels» (terme médiatiquement porteur et plus stigmatisant) comme le laisse entendre le discours favorable à cette initiative.

Table des matières

  1. Termes de l’initiative, du contre-projet et contexte juridique
    1. L’initiative
    2. Le contre-projet
    3. Le contexte juridique
  2. L’incompatibilité avec les valeurs constitutionnelles suisses et la jurisprudence internationale
    1. Le principe de proportionnalité
      La gravité de l’infraction
      L’automaticité de l’expulsion
    2. L’individualisation de la peine
    3. Le droit à la vie privée et familiale
    4. Les droits de l’enfant
  3. L’insécurité juridique engendrée par l’initiative
  4. Le principe de non refoulement
  5. Autres
    1. L’interdiction de la double peine
    2. Eléments sociologiques
  6. Conclusion

 

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